Le ressenti des femmes

Il fut un temps où je ne savais pas ce qu’elle voulait dire quand elle me parlait de « connexion ». C’était pour moi un concept abstrait dont je ne savais que faire. Mon monde à moi c’était le monde extérieur, le monde de la forme. J’avais un esprit rationnel, scientifique, bien organisé. J’étais capable de retenir une foule de données, de résoudre des équations complexes, de trouver des solutions à tout ce qui se présentait. Je me sentais bien dans mon univers démystifié où je pouvais tout expliquer.

En comparaison, le monde féminin me semblait des plus étranges… Irrationnel, imprévisible, si émotif, avec toutes ses courbes et aucune ligne droite. Tout cela défiait ma logique, ma clarté d’esprit. Je voyais la femme emportée par le tourbillon de ses émotions et je ne comprenais pas pourquoi déchaîner des tempêtes pour si peu. Mes émotions à moi je les gérais sans problème. Quand elles prenaient trop de place, je savais les écarter pour garder la tête froide et maintenir le cap dans la tourmente quoi qu’il arrive.

Pourtant, la Vie m’a patiemment appris que la logique ne pouvait pas tout expliquer. M. Spock (Star Trek) le résumait si bien : « La logique est le début de la sagesse, pas la fin ». Ainsi, j’ai constaté en vivant avec la femme que son univers, bien qu’apparemment incompréhensible, fonctionnait très bien et qu’elle arrivait à réaliser des prouesses qui me semblaient tout à fait inaccessibles. Je la regardais gérer les mille et une choses du quotidien, celles qui me rendaient fou et j’en étais épaté, admiratif… Moi, je préférais, et de loin, faire un seul truc à la fois…

Au fil du temps, j’ai donc appris à mieux connaître et à respecter ce féminin. J’ai compris qu’il était complémentaire à mon masculin et qu’il était beaucoup plus sage de travailler avec que de chercher à le soumettre à mon autorité. Délivré de mon besoin de contrôler l’incompréhensible, j’ai pu simplement me laisser aller à lui faire confiance et à expérimenter cette vie à deux où chacun gère ce qu’il fait de mieux, plutôt que de chercher à tout partager en deux moitiés autonomes et indépendantes.

En faisant cela, j’ai commencé à m’ouvrir à ses façons, et surtout à me « connecter », comme elle dit. J’ai découvert que c’était pour elle quelque chose de fluide et naturel, et que son ressenti en la matière était beaucoup plus aiguisé que le mien. Tenez, là je suis en train d’écrire, et bien je suis sûr qu’elle le sait, qu’elle le sent dans notre connexion. Si je lui demande de me ressentir, elle va me dire un truc du genre « je te sens présent dans le nous… mais occupé à quelque chose… un sentiment que je reconnais… tu ne serais pas en train d’écrire ? ».

Tenez un autre exemple. Souvent, elle va s’apercevoir avant moi que quelque chose me tracasse. À coup sûr elle va me dire « T’es sûr que ça va? J’ai l’impression que tu es préoccupé…». Avant, ça me faisait réagir. Je me disais que j’étais le mieux placé pour savoir comment j’allais! Aujourd’hui, je suis moins catégorique et souvent je vais lui répondre « je vais… bien… enfin, je crois… laisse-moi jeter un œil à l’intérieur ».

Quand j’ai commencé à me rendre compte de l’incroyable acuité de son ressenti, j’ai vécu deux émotions contraires. En premier lieu, la peur de ne plus pouvoir rien lui cacher. J’ai eu à défier cette peur et à la faire reculer. Après tout, ai-je vraiment envie/besoin de lui cacher des choses ? En second lieu, est venu l’abandon et la paix intérieure. Non, je n’ai rien à cacher. J’ai pu enfin me détendre. J’ai même dernièrement réussi à lui dire : « je trouve ça rassurant de savoir que tu veilles ainsi sur le monde invisible. Je sais que tu me préviendras s’il arrive quelque chose de ce côté. Cet ancrage, cette connexion me permet de mieux m’élancer ».

Je constate aujourd’hui qu’il est possible, et même extraordinaire, de faire cohabiter en harmonie nos deux polarités. En s’entrelaçant toujours plus en profondeur, l’homme et la femme en viennent à vivre dans cette connexion permanente, symbiotique, où chacun veille sur l’autre, où chacun peut se reposer sur l’autre. Le couple devient un système où les besoins de l’autre deviennent ses propres besoins, où l’on se préoccupe continuellement de garder cet équilibre si précieux qui transforme le quotidien gris en moments magiques!

~Jean-Philippe Ruette
audeladesecrans.com


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