Zohra Meliki, Maroc

Véronique Cloître

À l’entrée du village, une paysanne apparaît au loin en amazone sur son âne, un énorme chapeau de paille à cordelière et pompons la protégeant du soleil. Elle vient de travailler aux champs. Un large sourire ouvre son visage. Je saisis l’appareil, l’instant est fort… Elle rit, un peu gênée, car ses vêtements sont sales ; elle tente de retrousser ses manches noircies par la terre, puis disparaît, perchée sur son âne. J’ignore encore qu’il s’agit de Zohra, l’une des femmes de la coopérative.

Quelques minutes plus tard, alors que nous sommes en visite à l’école, elle revient. Pour nous honorer, Zohra a revêtu ses plus jolis vêtements traditionnels. Elle tient dans ses mains une corbeille de figues fraîches. De visite en village, le mot est passé : les visiteurs aiment les figues ! Et c’est toujours avec fierté et amusement que les femmes nous observent les savourer.

Zohra est vive. Une force l’anime. Je veux savoir… Son histoire est sensiblement identique à celles déjà entendues de nombreuses fois. Veuve, elle a dû travailler dur pour envoyer ses quatre enfants (dont trois filles) à l’école. « Dans le Nord, la femme travaille plus que l’homme », constate-t-elle avec amertume. « Nous, les femmes du village, nous nous sommes unies pour mettre en place un développement local. Ensemble, nous pouvons accomplir davantage et notre coopérative a à présent plus de poids pour négocier les prix de nos productions. » Les différents projets sont ainsi autofinancés et tout le village de Nefzi en bénéficie. Une piste permet d’y accéder, des améliorations ont été faites au niveau de l’habitat, de la santé et de l’éducation. Depuis un an, Zohra assiste aux cours d’alphabétisation. L’émotion était à son comble lorsqu’elle a soigneusement inscrit son nom sur le livre d’or, s’excusant de ne pouvoir écrire davantage…

Le fils de Zohra s’appelle Saïd. C’est le président de l’association Nefzi qui mène des projets visant le développement dans différents domaines, tels que l’amélioration des infrastructures dans le douar, l’augmentation des revenus de la population locale, le développement des activités culturelles et sportives, et l’intégration des femmes dans le développement. Aujourd’hui, toutes les femmes du douar sont regroupées en coopératives. En renforçant la capacité économique de la femme, la vie dans les villages s’est améliorée et les autres douars envisagent de suivre ce modèle.

Nous avons visité l’école et constaté sur les registres des élèves que le taux de scolarisation des filles est aujourd’hui de 100 %, alors qu’il y a peu, seulement 25 % des filles étaient scolarisées. Saïd est un porte-parole respecté des femmes de la région. Ce qu’il a mis en place au niveau de l’intégration des femmes dans le développement sert d’exemple dans le pays. L’éducation reçue de sa mère lui a appris à respecter la femme et à l’impliquer au niveau de l’économie, tant familiale que communautaire.

Message : Pas question pour nos filles de vivre ainsi. Nous voulons autre chose pour elles !

Extrait du livre Femmes du Monde, Mères du Nouveau Monde, par Véronique Cloitre (Éditions Dangles, 2014)

OLYMPUS DIGITAL CAMERA
100% des filles scolarisées

149 MF P.197 Zohra Meleki Mères du monde

143 GF P.194 Zohra Meleki Mères du Monde


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *