CLÉOPÂTRA MUKULA,
Kenya et France

Véronique Cloître

Cléopâtra est fondatrice de l’association Peggoty qui accueille et éduque les enfants orphelins au Kenya, est réalisatrice de films documentaires, engagée et humaniste. Cléo déborde de vie. The « Pro active Way » est la base, comme elle aime le répéter, convaincue que chacun peut être acteur du changement dans le monde.

«  Je suis issue de deux cultures, ougandaise par mon père et kenyane par ma mère. Mais c’est au Kenya que j’ai grandi, élevée par ma mère, une femme forte et travailleuse. Elle n’a jamais accepté l’ordinaire qui pour nous était misère. Je me souviens que je dormais à terre dans un coin de la cuisine. Mais elle s’est battue et sacrifiée pour ses enfants et m’a donné des bases solides. J’ai pu aller à l’école à 9 ans. Très curieuse, j’aimais apprendre et me posais déjà beaucoup de questions sur la vie. À 18 ans, je suis partie étudier le droit à Londres. Lors d’un séjour au Kenya avec un ami reporter, celui-ci, très malade, n’a pu continuer son travail. J’ai donc dû manipuler sa caméra tout en faisant l’interview des villageois. Là est né le goût du reportage, au coeur de la vie des gens, afin de sensibiliser à des problématiques ou à des situations de non-droit. J’ai alors suivi un master en cinéma documentaire à l’université de Brunel à Londres. C’est à cette période que j’ai travaillé sur mon premier documentaire sur les gens atteints du VIH et du SIDA dans un petit village au bord du lac Kisumu. Et j’ai aussi créé l’association Peggoty, afin de venir en aide aux orphelins de mon pays. En changeant les mentalités des enfants, en leur permettant l’accès à l’éducation, c’est toute une communauté que l’on transforme. Une meilleure qualité dans l’éducation est essentielle pour préparer les jeunes à bien comprendre les enjeux citoyens. Nous leur faisons confiance, et ils nous font confiance. Cela leur donne une forme d’espoir : des gens croient en eux, ils seront quelqu’un !

Un petit geste peut parfois avoir un impact très important.

L’organisation fondée en 2004 a aujourd’hui le recul suffisant pour constater comment ces jeunes, aujourd’hui en études secondaires ou supérieures, bouleversent les mentalités. Deux d’entre eux sont diplômés. Il y a davantage d’équité dans leur communauté et dans leur famille. Ils posent les choses et les problèmes avec intelligence et discernement. Ils luttent contre le fatalisme am­biant et arrivent à leur tour à motiver les autres pour le changement en étant positifs. C’est la preuve que chacun peut être acteur de changement autour de lui. Toutefois, et je le leur répète, il est important de ne pas oublier ses origines, ici dans le village… Moi-même, je suis aujourd’hui mariée à Alexis, avec lequel j’ai deux petits garçons, et nous vivons en France. Mais ma terre et mes racines sont au Kenya où je retourne le plus souvent possible. Même si notre association travaille sur une petite échelle, nous avons mis en place un programme de nutrition, d’accès aux soins pour les familles, et d’éducation des enfants. Les femmes se sont regroupées, unissent leur savoir-faire (artisanat) et pratiquent l’entraide. C’est une notion nouvelle. Dans ce sens, j’ai réalisé le documentaire Umoja69 sur les femmes Samburu au Kenya, victimes de viols avec violence par les soldats britanniques. Exclues de leurs propres familles à la suite de ces drames et afin de se protéger, ainsi que leurs enfants, elles se sont réunies dans une communauté et ont construit leur village. Cette expérience est unique et incroyable ! Leur village fonctionne bien. C’est une réussite tant sur le plan économique que sur le plan de l’éducation et de la santé. Lorsque les femmes gèrent l’argent, elles épargnent, pensent au lendemain. Elles envoient leurs enfants à l’école, c’est leur priorité. Et, ensemble, elles sont plus puissantes.

Car si la femme africaine est forte, et transmet beaucoup à ses enfants, il y a toujours cette culture autour du masculin. Mais je vois les changements. Dans mon village, aujourd’hui les garçons participent aux tâches ménagères, ils sont en compétition avec les filles autant à l’école que dans le foyer. C’est une forme d’éducation culturelle. L’État kenyan a fait beaucoup aussi pour les filles en favorisant l’accès à l’école. Aujourd’hui, beaucoup sont médecins, juristes et, même, membres du gouvernement.

Chacun a sa mission sur terre. Lorsqu’on ne la connaît pas, la vie passe. C’est tout. Alors que si l’on comprend quelle est notre place, quelle est notre valeur, on n’est plus victimes, mais acteurs. L’Amour est à la base de tout, et il peut tout. Le Dalaï-lama invite chacun à connaître la beauté de son coeur. C’est ma philosophie. Il faut se lever chaque matin avec le désir d’agir pour les laissés-pour-compte, pour ceux qui n’ont pas de voix. »

Message : C’est par la connaissance que nous aurons conscience de nos responsabilités. Les femmes ont une place importante dans la société parce qu’ elles donnent la vie. Elles donnent la vie aux hommes, filles et garçons.

Elles sont fortes, combattantes et Amour. Elles ont donc la clé, par la transmission, pour changer les mentalités et faire évoluer les communautés. Elles peuvent transformer les bases négatives et involutives des sociétés en structures nouvelles, positives et créatrices. Ce sont des mentalités positives et fortes qui créeront un monde plus juste.

Son rêve : Aller en Mongolie rencontrer les femmes. Elle éclate de rire et imagine : « Une femme noire leur rend visite. Mais ils n’ ont jamais vu de Noirs ! Eh bien, je suis certaine que sans parler nous arriverons à nous transmettre beaucoup car le langage des femmes est universel, et, où que nous soyons, notre combat est le même ! »

 

Cléo

 

Véronique Cloître


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *