Cela fait un peu plus d’un siècle que le grand psychiatre suisse Carl Jung a jeté les bases d’une différentiation entre sexes et genres en envisageant que les hommes ont une féminité intérieure et les femmes, une masculinité intérieure. Les conséquences d’un tel énoncé étaient alors incalculables. Les hommes perdaient le monopole de la masculinité, c’est-à-dire, dans l’esprit de l’époque, le privilège du pouvoir. Ce n’était pas qu’une théorie pour Jung : il reconnaissait le droit des femmes à se réaliser professionnellement et socialement, à sortir du triptyque cuisine-enfants-église auquel elles étaient cantonnées.
En même temps que la masculinité était détrônée, elle perdait le caractère sacré qui faisait de Dieu nécessairement un mâle. De nouveaux modèles commençaient à émerger avec, en particulier, le retour de la féminité sacrée. Des générations de femmes se sont battues pour faire reconnaître leurs droits. Il est désormais acquis que les femmes peuvent faire les mêmes études, exercer les mêmes professions que les hommes, même si l’équité salariale reste à achever. Et la masculinité est entrée en crise de transformation. Aussi bien celle portée par les hommes que celle vécue par les femmes qui sacrifient parfois leur féminité aux valeurs de performance et de réussite d’une société qui reste patriarcale.
Le prochain pas réclame de réinventer la masculinité, ou plutôt les masculinités, car celles-ci sont plurielles, diverses. Poursuivant la démarche de Jung, il faut désexualiser la masculinité en revenant à sa définition de base, à savoir une énergie d’affirmation créatrice. C’est en renouant avec cette capacité créatrice que nous retrouverons la dimension sacrée de la masculinité, qui appartient aux femmes comme aux hommes. La féminité et la masculinité s’unissant enfin dans cette dimension sacrée, elles donneront naissance à quelque chose d’entièrement nouveau : un être humain total.
Jean Gagliardi
Mieux le connaître
