Pilale, Petei et Natanya, femmes Maasaï, (Kenya)

Véronique Cloître

Le film légendaire Out of Africa a éveillé en moi des vibrations particulières et je me suis alors sentie attirée vers cette terre kényane et le peuple Maasaï. Le rendez-vous était pris : ce serait un jour, une année… Ma rencontre avec Chantal, fondatrice-présidente de l’association Maasaï Horizon en a fixé l’année précisément. Octobre 2017, je posais les pieds comme une empreinte sacrée sur Engkai : la Terre Mère. Rouge est la couleur de cette Terre de feu qui m’accueillait comme si je retournais dans l’utérus de l’Univers, dans mes profondeurs, dans mon ventre sacré. C’était inspirant et libérateur. Rouge est la couleur du sang. Je me suis sentie femme et libre. Car Engkai donne la liberté. La liberté de ne plus penser mais d’être simplement. Abandonnée au temps présent, j’ai cueilli chaque instant afin de devenir moi aussi un planteur qui sème à l’intérieur de son cercle la patience, la gratitude et la joie. Rouge le feu de la Terre, rouge le soleil qui embrasse le Kilimandjaro, rouge le sang des animaux offerts pour honorer une naissance, un rite de passage. Rouge, la Vie !

Aujourd’hui, je me souviens de ces instants, imprimés en moi : j’interrogeais les Maasaïs, avide de recevoir leurs enseignements. Ils m’observaient et en réponse m’offraient un chant, une danse. Je comprenais alors qu’être présente dans l’instant, était l’enseignement. Je les revois drapés dans leurs shukas rouges, offrant leur corps longilignes et fiers au souffle de l’air. Leur allure, la légèreté de leurs pas, le tintement des grelots sur les ornements : tout est rythme, cadence et liberté. Kessel écrivait dans son ouvrage, Le lion : « Personne au monde n’était aussi riche qu’eux, justement parce qu’ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage ». Oui, c’est cela la liberté. En dehors de leur bétail, les Maasaïs n’ont rien et n’ont besoin de rien et ne veulent dépendre de rien. Et la liberté, cela rend heureux et digne.

Je me souviens des moments partagés avec les femmes : nous avons ri, dansé, échangé, pleuré et prié. Symboliquement, elles ont signé le livre d’or des Femmes du Monde, signe d’appartenance et de reconnaissance à ce grand mouvement des Femmes en marche !

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Pilale, Petei et Natanya en guise de message ont offert un chant de louanges à toutes les femmes que j’ai tenté de retranscrire avec l’aide bienveillante de Lekatoo, Chantal et Anne-Marie.

Remercions Engkai, la Mère divine et Dieu le Père.
Dieu a accompli de belles choses quand il a créé la femme.
Bénie sois la femme qui porte son enfant dans le ventre, puis dans le dos.
Bénis soient nos maris car nous pouvons donner naissance.
Béni soit le jour de la délivrance car les hommes sont heureux et font la fête.
Béni soit ce jour car nous nous faisons belles et nous nous enduisons de la graisse de l’animal porté en offrande pour le nouveau-né.
Béni soit notre nourriture.
Béni soit notre troupeau.
Bénies soient les couleurs du soleil car nous croyons aux choses que nous voyons.

Et dans le ciel qui change de couleur nous voyons Dieu qui porte des vêtements différents…

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5 thoughts on “Pilale, Petei et Natanya, femmes Maasaï, (Kenya)

    1. Oui ce chant est puissant. Je regrette simplement de ne pas m’être munie d’un bon micro afin que vous puissiez l’entendre. Merci à vous.

  1. Oui, les Maasai, et pas seulement les femmes, vivent dans le présent. Cela a été une grande leçon pour moi. Lorsque notre coordinateur a des soucis, il est « down » comme il dit, et Dieu sait qu’il a des soucis… mais, si nous allons à une cérémonie, dans un village, je le vois complètement dans le présent, souriant, avenant, joyeux. Au début, je me disais : « il est un peu superficiel… il change vite d’humeur ! ». Lui, de son côté, me disait : « Vous êtes négative » mais je ne comprenais pas en quoi il me voyait négative. Puis, l’insertion dans la communauté aidant, j’ai verbalisé. Lorsque nous rencontrons un souci, dans notre culture, celui-ci vient colorer notre appréhension de la journée, de notre environnement. Nous ruminons et quel que soit le positif vécu à ce moment, il est teinté par ce négatif. En analyse transactionnelle, on dit que pour équilibrer il faut 100 « strokes » positifs pour un négatif. Le test est simple : si l’on vous fait un compliment, dix minutes après nous l’avons oublié. Mais si l’on nous fait une remarque désagréable… nous nous en souvenons beaucoup plus longtemps.
    Rien de tout cela chez les Maasai. Une nouvelle heureuse = une nouvelle désagréable et l’une n’empiète pas sur l’autre. Ils prennent ce qui se présente à eux, dans le moment. Et cela est extraordinaire, une belle leçon pour l’occidentale que je suis.

    Les Maasai sont des gens très intuitifs pour la plupart ; leur oreille, leur oeil est développé car il faut être vigilant dans l’environnement dans lequel ils vivent. Un serpent, un lion, un éléphant… ils sont rarement en sécurité totale. Ils ont donc développé des aptitudes qui sont moindres chez nous. Ces femmes ont senti ton attente Véronique et elles ont voulu te faire plaisir. Elles aiment faire plaisir.

      1. Je crois les connaître un peu. Tu sais, leur culture est très complexe. Et, en fait, sous des apparences ouvertes, chaleureuses (ce qu’ils sont), en fait… ils sont très secrets. Ils n’ont pas la pensée « chronologique »… un jour, ils te racontent un petit bout d’une histoire, six mois après un autre bout mais qui ne coïncide pas toujours avec la première, tout au moins dans notre mode de pensée. A toi de te débrouiller pour comprendre. Leur logique n’est pas la même que la nôtre. Parfois, j’ai cru « tourner en bourrique » parce que je voulais vraiment comprendre quelque chose mais changer de mode de pensée n’est pas simple. J’apprends chaque un tout petit peu plus mais dire que je les connais, non.

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