Les enfants non-nés

Camille Sfez

Une femme sur quatre vivrait une fausse couche dans sa vie, pourtant peu de livres abordent ce sujet encore tabou. Pourquoi les mères ne s’autorisent-elles pas à parler de ces grossesses qui n’ont pas abouti à la naissance d’un enfant ?

Dans la tente rouge, les femmes viennent se livrer plus naturellement à propos de ces grossesses inachevées. Elles parlent de ces quelques jours – ou semaines – où elles ont porté la vie, où elles se sont senties mères mais n’en ont pas parlé. Pas encore, car avant trois mois, cela ne se fait pas. Alors, si une fausse couche survient, elles ne savent pas comment partager leur douleur avec leur entourage. « Je n’avais pas dit à mes proches que j’étais enceinte, comment leur confier ensuite que je ne l’étais plus ? » Et si l’annonce de la grossesse a été faite, la perte du bébé peut être balayée par une tentative de consolation : « Tu en auras un autre, c’est sans doute mieux comme ça ! » Alors les mères se disent que cette vie n’était rien et pourtant elles sont profondément convaincues du contraire.

Des mois ou des années plus tard, elles viennent raconter leur désarroi, leur tristesse ou leur sentiment d’injustice. Beaucoup éprouvent le besoin de nommer ces enfants, pour leur faire une place dans leur lignée. Dire à haute voix ce prénom choisi donne à ces âmes une certaine densité, palpable pour quelques heures au sein du cercle. Et le souvenir perdure des années après dans le coeur des autres femmes qui ont partagé ce moment de rencontre avec cet enfant-là.

Ritualiser ce deuil est important car, même si aux yeux du monde rien ne s’est passé, chaque grossesse est une initiation. Retrouver le lien avec ces enfants permet aux femmes de comprendre ce qu’elles ont traversé et comment ces enfants les ont transformées.

Camille Sfez
Tente Rouge de Paris


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