Hale Sayman – Turquie

Véronique Cloître

 

« L’ignorance et la faim sont les pouvoirs du gouvernement »

Hale est bénévole dans l’association turque ÇYDD (www.cydd.org). Militante et humaniste, elle se bat pour l’éducation des filles et lutte contre l’analphabétisme en Turquie.

Hale SeymenNée à Bagdad de l’union d’un père irakien et d’une mère turque, Hale y a vécu deux guerres. C’est sans doute ce passé douloureux qui a fait naître en elle ce désir de combattre l’injustice et la souffrance. Arrivée en Turquie en 1992, elle a étudié, encouragée par un père enseignant qui n’avait de cesse de répéter : « Tout est dans l’éducation. » Aujourd’hui professeure d’anglais, mariée et mère de famille, elle consacre son temps libre à mener des actions au sein du ÇYDD (elle en a d’ailleurs assuré la présidence quelque temps). L’association présente dans tout le pays contribue au développement social et culturel des enfants et leurs parents, favorise des environnements qui améliorent leurs compétences, et les aide à devenir des citoyens éclairés.

Depuis sa création en 1991, l’organisation a attribué 117 147 bourses d’études (financées par des donateurs privés ou des entreprises) afin de contribuer à la réalisation de l’égalité des chances dans l’éducation et a pu créer de nombreuses écoles, bibliothèques, aires de jeux, centres éducatifs et culturels pour les femmes, ainsi que financer du matériel scolaire. C’est un véritable soutien tant au niveau de l’éducation, de la famille que de la santé. Les membres (de très nombreux enseignants bénévoles) travaillent aussi beaucoup avec les populations isolées ou minoritaires comme les Kurdes.

Je rencontre Hale et des membres de l’association pour un petit déjeuner pendant lequel ils vont tenir leur réunion. Hale m’explique qu’ainsi ils contournent les problèmes rencontrés par l’organisation, accusée par le gouvernement de faire de la propagande. Les réunions leur sont interdites et ces rencontres pour un « breakfast entre amis » les protègent ainsi de toute intervention policière. Ce fut le cas, il y a cinq ans, dans leur bureau central. Tous les documents ont été pris. L’ancienne présidente, souffrant d’une maladie, a été si choquée qu’elle est décédée par la suite.

 

 

« Aujourd’hui, ce harcèlement administratif et les intimidations continuent, si bien que nous ne pouvons travailler sur nos projets », explique Hale.

 

 

Elle témoigne : « L’ignorance et la faim sont les pouvoirs du gouvernement. Un être qui ne connaît pas ses droits ne contestera pas, et si on lui donne du pain en échange de sa voix électorale, il sera docile. C’est pour cette raison que régulièrement nous voyons nos écoles détruites par des leaders religieux qui s’opposent à l’éducation. Nous sommes aussi contraints de retirer nos enseignes sur les bâtiments scolaires, les centres. Les écoles qui collaborent avec nous reçoivent des ordres… Le problème de l’éducation n’est pas lié à l’autorité du père le plus souvent, mais à la politique! J’espère que toutes les femmes du monde seront libres de vivre leur vie. Je suis une femme libre et éduquée, mais je ressens une si profonde tristesse pour toutes celles qui ont des vies difficiles et subissent les discriminations.
Nous sensibilisons les jeunes à ce problème universel qu’est l’éducation à travers des projections. Une prise de conscience a lieu partout dans le monde, mais pour résoudre les problèmes propres à chaque pays, il est important d’avoir une pleine connaissance de l’environnement dans lequel nous travaillons. »

 

Message :

Il faut être positif. Je sais que de bonnes choses vont arriver. Les femmes et les hommes vont avancer ensemble et les enfants pourront aller à l’école. Je ne suis pas inquiète pour l’avenir. J’ai vécu des guerres, et je sais qu’aujourd’hui les consciences s’ouvrent car l’information circule. En Irak, par exemple, nous ne connaissions pas l’origine de la guerre. Aujourd’hui, nous savons…


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