Gracita St-Louis, Haïti

Véronique Cloître

Gracita Osias, Saint-Louis HAÏTI

« Femmes, debout! »

Coordinatrice des projets de développement des femmes paysannes pour ITECA (Institut de technologie et d’animation)
J’ai rencontré Gracita au Festival des cultures du monde de Gannat où elle venait témoigner de son travail à Haïti, et de sa participation à la cordée solidaire. Seule femme avec sept autres participants, tous originaires des pays du Sud et acteurs de développement dans leurs pays, ils ont escaladé un des plus hauts sommets des Alpes françaises, la Pyramide Vincent, 4215 mètres, afin de lancer un appel pour une gouvernance mondiale plus juste, à l’invitation du CCFD-Terre solidaire. Gracita a été « l’élément déclencheur » dont j’avais besoin pour m’atteler à ce livre que je construisais secrètement mais sans pour autant rendre le projet concret. Intelligente, réfléchie et joyeuse, elle a retenu l’attention des personnes venues à sa rencontre lorsqu’elle a témoigné de son action pour le développement rural, et l’accompagnement des femmes paysannes au sein d’ITECA afin de les aider à faire valoir leurs droits. Mais lorsque, pour clôturer la rencontre, Gracita s’est levée et a chanté « Femmes du monde, debout ! », quelque chose d’incroyable s’est passé : j’ai compris quelle serait la direction à donner à mon livre, comme si Gracita était venue de si loin pour me transmettre un message. Je ne pouvais retenir mes larmes. Ce chant est venu extirper quelque chose au plus profond de mon être : Femmes debout !

Chanson :

Femmes debout! Femmes du monde debout! Debout!
Femmes du monde debout, debout!
Femmes du monde debout, debout oh!
Pour une bonne gouvernance
Pour une bonne gouvernance
Pour une bonne gouvernance mesdames!

1. 3.
Femmes haïtienne, debout, debout,
Femmes Cameroun, debout, debout,
Femmes Bolivie, debout, debout,
Femmes Liban, debout, debout,
Femmes en France, debout, debout,
Femmes Afrique du Sud, debout, debout
Pour lutter contre la violence, mesdames!
Pour lutter contre les guerres mesdames!

2. 4.
Femmes Niger, debout, debout,
Femmes Belgique, debout, debout

Femmes, Pérou debout, debout,
Femmes Canada, debout, debout,

Femmes en Inde, debout, debout,
Femmes Pérou, debout, debout,

Contre discriminations, mesdames!
Pour une bonne gouvernance!

 

En relevant la tête, j’ai croisé le regard de Gracita et je l’ai remerciée en silence. J’ai ensuite pu échanger avec elle. Son énergie particulière m’a touchée. En nous quittant, nous savions l’une et l’autre que l’histoire commençait. C’est donc avec une immense joie que je vous fais partager son témoignage.

Pour le renforcement du leadership féminin et paysan.

Dans un contexte dramatique, le travail d’ITECA au côté des femmes paysannes consiste à les accompagner vers la construction d’un leadership féminin et paysan. Je coordonne ce travail de renforcement. Nous encadrons les femmes paysannes de manière à ce qu’elles parviennent à renforcer leur pouvoir socioéconomique et à influencer le pouvoir local pour la conquête et la défense de leurs droits.

La participation des femmes, parfois à plus de 50%, dans les projets économiques réalisés par ITECA dans les communautés rurales, leur participation au sein des organisations mixtes aux prises de décision, leur prise de conscience en tant que dominées et exploitées et leur engagement pour mener des plaidoyers pour défendre et faire valoir leurs droits, sont les résultats de ce travail de renforcement de leadership féminin. Il reste cependant un long chemin à parcourir. L’équité de genre au sein des organisations, au sein de la société et au sein des familles à travers l’éducation des filles et des garçons est une lutte de longue haleine.

L’éducation au cœur du combat de Gracita

Institutrice de formation, j’ai étudié les sciences de l’éducation à l’Université Quisquéya à Port-au-Prince et je me suis spécialisée dans l’éducation préscolaire/primaire. J’ai enseigné dans un premier temps dans l’éducation formelle pendant deux ans. Dans un deuxième temps, dans l’éducation non formelle, j’ai fait partie d’une équipe de trois institutrices qui dirigeaient une expérience d’écoles alternatives pour des analphabètes âgés de 10 à 25 ans, appelée « Lekòl Lavi Nou ». Ce fut une expérience qui dura sept ans, dans le nord-ouest d’Haïti, l’une des régions les plus pauvres du pays.

« Lekòl Lavi Nou » fut un modèle d’école adaptée aux réalités du milieu rural dans laquelle la formation académique était intégrée au mode de vie des participantes et des participants. Dans ces écoles, l’agriculture, l’artisanat, la culture étaient associés à la formation académique pour former des hommes et des femmes « debout » et fiers. Parallèlement, j’accompagnais des organisations d’hommes et de femmes, les « Gwoupman Tèt-Ansanm » dans les milieux où ces écoles étaient implantées. Bon nombre des jeunes de « Lekòl Lavi Nou » devenaient plus tard des responsables au sein des organisations paysannes, notamment dans l’un des plus importants mouvements de paysans du pays, le « TET KOLE TI PEYIZAN AYISYEN ».

Je n’accomplissais pas ces tâches sans difficulté. Celles-ci étaient de tous ordres. Politique : ce travail de conscientisation ne plaisait pas aux autorités. Culturelle : me déplacer à moto à l’époque n’était pas affaire de femme. J’ai orchestré en ce sens pas mal de propos discriminatoires. Sociale : les jeunes participantes et participants étaient des marginalisés qui arrivaient à performer et à se faire une place sur le plan social et économique (ils constituaient pour la plupart une coopérative artisanale appelée BANEKO). Tout cela agaçait des gens de certaines communautés qui enviaient leur sort.

La cordée solidaire

gracitaMa participation à la cordée fut pour moi une opportunité pour faire entendre la voix des femmes paysannes du monde entier et celles de toutes les femmes qui luttent pour les droits et la cause des femmes en général. Lorsque j’ai salué les femmes d’ITECA avant de rejoindre la France, elles me disaient : ‘’ Gracita, tu vas tenter ça, tu n’as pas peur de mourir, tu es une femme ! ‘’ Il y avait effectivement de quoi à avoir peur de grimper le sommet: vent glacial, contact avec la neige (première fois dans ma vie), la montagne en elle-même. Cependant, j’étais la seule femme du groupe. C’était une occasion de prouver encore une fois que les femmes sont tout autant capables que les hommes. Ce fut pour moi une grande motivation.

Je suis donc venue pour défendre les petits paysans et les femmes des sociétés du Sud. Et je me suis dit aussi qu’il fallait que j’arrive en tête de tous ces hommes, sans rivalité bien sûr, mais pour montrer que les femmes sont bien présentes dans ce challenge. Ce que j’espérais de manière plus générale, c’était de faire comprendre aux décideurs actuels du monde globalisé qu’il est temps que le monde soit dirigé équitablement et que les peuples défavorisés aient le droit de décider de leur sort et de leur avenir et qu’aucune nation, aussi puissante soit-elle, ne peut prétendre leur enlever ce droit définitivement, car l’avenir appartient aux peuples, aux femmes et aux hommes qui bougent et qui luttent . »

Message : « La vie est en nous, pour nous et par nous. Elle est fragilisée par les violences des puissants de ce monde, leurs guerres, leurs systèmes d’exclusions. Debout, pour contribuer à la refondation du monde! »

 

Les dernières nouvelles de décembre, de Gracita :

Je suis en train de regarder et d’écouter la bande sonore du livre. A chaque utilisation, je suis émerveillée. Pour moi, c’est une source de méditation : les témoignages, les citations…, c’est l’amorce de la nouvelle ère de l’humanité où l’homme et la femme de concert vont travailler pour donner naissance à ce nouveau monde dont tous et toutes ont tant rêvé, tant prêché, tant écrit, tant souhaité. C’est avec beaucoup d’attention et d’émotion que je regarde chaque photo, chaque texte, que j’écoute chaque femme et homme parler de son vécu, de ce que chacun doit réaliser pour accoucher ce monde. Dans tous les textes et témoignages, la femme a un grand rôle à jouer. L’avenir de ce monde semble définitivement dépendre de nous.

Aujourd’hui, j’ai animé une journée où femmes et garçons paysans ont débattu sur les différents types de violence perpétrés à l’encontre des femmes dans les communautés paysannes. Et comme engagement, ils vont beaucoup insister sur l’éducation des enfants pour remédier à la situation. C’est l’un des témoignages d’une femme de RDC dans la bande. Effectivement, nous les mères, nous avons une grande responsabilité dans l’éducation des enfants.

 


4 thoughts on “Gracita St-Louis, Haïti

  1. pourrais t’on avoir la musique pour le chanter dans mes groupes de femmes

    grand merci à chacune pour notre planète pour nous les femmes et pour la vie !

    christine

    1. Bonjour Christine, merci de votre commentaire. Je vous suggère de commencer par voir si elle est disponible sur Internet (Youtube par exemple). Mais je vais voir avec l’auteure comment vous la procurer.
      JoL

      1. Bonjour Christine. Oui ce chant est très puissant et je suis heureuse qu’il vous touche. Je ne pense pas qu’il soit sur internet mais je viens de demander à Gracita si elle peut nous envoyer une petite vidéo. Nous vous tiendrons informée. Merci à vous. Véronique

        1. merci à vous pour vous être renseignée. je suis toujours intéressée par ce chant dans l’accompagnement que je fais auprès des femmes
          Christine

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