Des mentalités coriaces – Partie 2

Marie LeBlanc

Écrivaine? Oh! là! là!

« Ne m’appelez pas écrivaine ni auteure, quelle horreur! » Ce sont les mots de Janine Boissard, romancière française, à qui je demande : pourquoi une telle haine du féminin? Dirait-on de Pascale Bussière ou Juliette Binoche qu’elles sont de bons comédiens, des acteurs talentueux?

Cette attitude consistant à nommer « écrivain » une femme de lettres est plus qu’une goutte d’eau dans le fleuve Misogynie. C’est le symptôme d’une aliénation, le crissement désespéré d’un navire dont le capitaine refuse de voir que nous sommes au 21e siècle.

Si

Si j’étais capitaine-linguiste de notre vaste francophonie, mon but premier serait de visibiliser les deux sexes, à l’image de ce qu’est l’humanité. Bien entourée et déterminée à réussir, je réinventerais mille fois notre langue s’il le faut. Le féminin existerait dans les textes dès le point zéro de l’écriture plutôt que de surgir comme un intrus. Je ramènerais la forme neutre[1] pour exprimer le non-humain. En effet, pourquoi un canapé, une chaise, la bise, le baiser…? Savez-vous que le mot aigle a déjà été féminin? Que les mots lune et soleil sont respectivement masculin et féminin dans les langues germanes? Comment dit-on déjà… arbitraire?

Si si

Si j’étais capitaine, je serais femme sur un bateau vert et blanc, d’une élégance rare et plus forte que l’ébène. Si j’étais son amie parolière, je réécrirais avec Diane Tell des fragments de sa chanson magnifique[2], mais loin hélas de mon rêve d’équité. Nos voix chanteraient une prose libérée, quand on est femme, on fait ces choses-là. Si j’étais amante, j’offrirais à mon homme des fleurs pour son appartement, des parfums à le rendre fou, les femmes s’enflamment et achètent ces choses-là. Si j’étais marine, je voguerais sur une mer d’humour et de tendresse, dans les plus beaux pays du monde je vivrais des histoires d’amour démodées jamais vues au cinéma. Si j’étais écrivaine célèbre, je porterais avec fierté en savourant chaque seconde ce titre si chèrement acquis par nos grand-mères littéraires. Je suis moi et quand on est moi, on écrit ces choses-là.

Marie Le Blanc
Mieux la connaître

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[1] J’utilise toujours la forme neutre « illes » pour nommer il + elle. Comme le they des anglophones.
[2] Si j’étais un homme (1981). Clin d’œil à cette grande artiste, entendue dans une interview cet été.


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